Sabine Dizel
en apesanteur
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Stenolpe//
Les mâts
Les filets
Stenolpe, 2004-2010 (Sténopéphotographies argentiques sur film 120mm noir et blanc ou couleur C41)
Une rêverie d’eau
« il n’y a pas de doute, tôt ou tard je partirai de ce môle, répond Marco, mais je ne reviendrai pas pour t’en rendre compte. La ville existe et elle n’a qu’un secret : elle ne connaît que des départs, elle ne connaît pas de retours. »
(Italo Calvino, Les villes invisibles, Paris, 1974, Éditions du Seuil, p.69)
Les Stenolpe suivent le fil de divagations marines. Le glissement sur l’eau évoque le mouvement de la rêverie. Peu importent les itinéraires suivis, le voyage trouve sa fin en lui-même. Les Stenolpe tiennent dans ce secret : ils ne connaissent que des départs. Les sténopés se feuillettent à la manière d’un carnet de voyage maritime, livre d’escales et de navigations, livre d’errances étendues à la mer seule. C’est un carnet de bord d’un type particulier : livre sans paroles, non narratif, non descriptif. Livre de silence. Se succèdent de brèves séquences cadrant le ciel, la mer, le rivage, les ports comme autant d’impressions visuelles éphémères et d’histoires muettes.
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Les dormeurs//
Les dormeurs, 2012 (Sténopéphotographies numériques)
L’histoire commence avec de beaux et énigmatiques visages aux yeux clos, patiemment glanés dans les pages des journaux, enfermés dans le mystère de leurs sommeils de papier. Dormeurs lunaires aux traits brouillés sous les effets conjugués des distorsions propres au sténopé, du tramage des impressions et des faiblesses du capteur photoélectrique confronté à ces conditions inhabituelles de prise de vue, ces inconnus retiennent le secret de leurs rêveries. Images erratiques, s’échappant sans cesse du cadre prévu pour recevoir une image, si difficiles à saisir avec cet appareillage incongru, un compact numérique greffé d’un sténopé, les dormeurs flottent à la surface du papier comme un reflet de lune dans l’eau.